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Le château de Lanet

Patrimoine vivant

Le château de Lanet est un site d’exception qui donne tout son sens à l’expression Patrimoine vivant.

Cette forteresse médiévale a su évoluer au cours des siècles, s’adaptant aux nécessités de chaque époque, ce qui en fait une des très rares bâtisses de son âge à être encore, non seulement debout mais habitable.

Entre les pierres apparentes, sur le mur du grenier, une ruche s’est installée. Partout dans ceux des façades, des oiseaux viennent nicher ; les martinets affectionnent particulièrement la tour ronde où ils s’infiltrent avec une incroyable habileté…

La Vie est partout dans le château.

Dans cette page

Photo du chateau

Au commencement

Au commencement le château n’était qu’une tour, la tour carrée mais je vous parle d’un temps que les moins de mille ans ne peuvent pas connaitre… En effet cette tour daterait du XIème siècle (à cent ans près : les permis de construire de l’époque étaient peu précis sur le sujet !). Ancrée sur le rocher qui domine le village elle est aussi imposante qu’aux premiers jours, tant sa quadrature et la rectitude des arêtes sont intacts.

Au moment où nous commençons à savoir l’histoire du village, c’est-à-dire vers le XIIIème siècle, sa situation à proximité de nombreuses mines fait qu’il est très convoité. Les moines bénédictins de l’abbaye de Lagrasse et les seigneurs de Termes se le disputent régulièrement.

Au contexte traditionnel de féodalité s’ajoute en cette fin de XIIème siècle le phénomène du catharisme.

Il faut savoir, en effet, que la papauté, dans un souci d’éradication de cette mouvance (qui avait le culot d’adorer Dieu hors des rites de l’église romaine), avait dégainé un arsenal de lois menaçant des foudres de l’enfer non seulement les soi-disant hérétiques mais tous ceux qui les protégeaient ou même simplement les toléraient sur leurs terres. Dès lors on pouvait être cathare, donc hérétique, par conviction, mais aussi par simple sympathie envers des personnes qui prêchaient l’amour et l’imitation du Christ dans un langage compréhensible (pas en latin) et sans menacer personne.

La très puissante famille des seigneurs de Termes était favorable au catharisme. On pourrait penser qu’il s’agissait simplement d’anticléricalisme, on imagine mal comment les  possesseurs de si nombreux fiefs pouvaient adhérer pleinement à une religion es se proposant d’imiter au plus près le Christ, notamment par le détachement des biens terrestres. Et pourtant, dans le cas des Termes, la foi cathare semblait bien établie ; on se doit de mentionner Benoit, frère de Raymond III qui fut évêque cathare du Razès.

Par ailleurs, le premier excommunié de la famille fut Raymond Ier en 1062, ce qui ne nous rajeunit pas.

En 1209, le pape Innocent III parvient enfin à convaincre le roi de France Philippe Auguste de laisser ses barons se croiser contre les hérétiques occitans et lance la croisade albigeoise. Les chevaliers du Nord sont friands de cette opportunité qui offre les mêmes avantages (indulgences, gratifications…) qu’une croisade en terre sainte tout en combattant, si l’on peut dire « à domicile ». Innocent III a aussi pris soin de fausser la donne en « mettant en proie » les terres des hérétiques, histoire d’intéresser la partie. Le roi de France s’est opposé le plus longtemps possible à cette démarche qui créait une guerre de territoire entre des vassaux qui étaient de toute façon les siens mais où il perdait le contrôle d’affectation des fiefs. Il finit par céder du bout des dents en autorisant certains barons à aller combattre mais refuse d’engager personnellement la Couronne et interdit à son fils Louis de participer à la croisade fratricide.

La Croisade Albigeoise​

La cible de la croisade repose sur trois têtes : le comte de Toulouse, Raymond VI, accusé d’avoir commandité l’assassinat du légat du pape en 1208, Pierre II roi d’Aragon et comte de Barcelone et Raimond-Roger Trencavel, vicomte de Carcassonne, Béziers et Albi. Pour simplifier ( ?) gardez présent à l’esprit que Pierre II et Raymond VI sont beaux-frères, que Trencavel est neveu du comte de Toulouse et vassal du roi d’Aragon lui-même vassal du pape alors que Toulouse est vassal du roi de France. Vous suivez ?

Pierre II représente un territoire énorme mais où la présence cathare est assez clairsemée, on va donc plutôt se focaliser sur Raymond VI, nommément exposé en proie et autour lequel la papauté a structuré toute la campagne de motivation à la croisade.

Mais celui-ci « refuse l’obstacle » ; en juin 1209, Raymond VI se soumet. Au cours d’une humiliante cérémonie dite d’amende honorable il s’engage à obéir en tout aux ordres de l’église, c’est-à-dire notamment lutter contre l’hérésie ; il prend même la croix. Bon nombre de seigneurs de Provence et bas Languedoc imitent le comte de Toulouse qui se retrouve ainsi absous et blanchi des chefs d’inculpation qui pesaient sur lui. On pourrait penser que l’action de Raymond VI a désamorcé la croisade.

C’est compter sans Trencavel. À 24 ans, le bouillant vicomte de de Carcassonne, Béziers et Albi est aussi seigneur du Razès et compte bien, ainsi qu’une partie de ses vassaux, résister. En Juillet, Béziers refuse d’ouvrir ses portes aux croisés et de leur livrer les cathares (hérétiques) présents dans la ville. Mais la ville est prise d’assaut et mise à sac. Trencavel se replie sur Carcassonne où le même scénario se répète et le 15 Aout 1209 Carcassonne tombe. Raimond Roger Trencavel est capturé contre toutes les règles de la guerre, au cours de négociations, et les habitants de Carcassonne doivent sortir en chemises, abandonnant tout. Trencavel emprisonné dans son propre château mourra quelques jours plus tard, probablement empoisonné mais officiellement de dysenterie. Son suzerain, Pierre II est venu si mollement à sa rescousse qu’il est arrivé trop tard, quant à tonton Raymond, il était tranquillement retourné sur ses terres de Toulouse savourer son absolution toute neuve.

La chute de Carcassonne marque un tournant avec l’apparition de Simon de Montfort. Rappelez-vous que le pape avait proclamé l’exposition en proie les terres des hérétiques « sous la réserve des droits du seigneur supérieur ». C’est-à-dire que le vainqueur de Trencavel devenait propriétaire de ses terres mais reprenait aussi la condition de vassal de ce dernier. C’est ce qui avait beaucoup tracassé Philippe Auguste qui n’avait aucune envie de voir ses vassaux occitans être remplacés par des individus d’autant moins maitrisables qu’ils se seraient imposés à lui par fait de guerre. Pour le vicomté de Carcassonne, Béziers, Albi et le Razès, qui vient de tomber, il faut un seigneur pour remplacer Trencavel ; celui-ci sera évidemment agréé par le pape et deviendra vassal de Pierre II d’Aragon. Ne manquant pas de souffle, Raymond VI se propose mais il est évincé, son retour parmi les supporters de l’église étant jugé un peu trop récent. C’est Simon de Montfort qui sera investi et pour revenir à nos moutons, sa préoccupation va être maintenant d’asservir les (devenues siennes) seigneuries subalternes mais néanmoins puissantes : Minerve, Termes , Lavaur…

Simon de Montfort est à la tête d’une armée fluctuante. En effet, seule une partie des croisés est indéfectible, marchant dans la conviction d’agir pour le Bien ; beaucoup de croisés en revanche ne s’engagent que pour une quarantaine de jours et peuvent lâcher une position délicate simplement parce que leur engagement est terminé. Les cathares vont jouer sur cette mobilisation en accordéon mais la cruauté de Simon de Montfort ne l’empêche pas d’être un fin stratège et il fera énormément de dégâts.

Nous quittons ici cette partie de l’histoire, mais l’affrontement du Midi avec le royaume connaitra encore bien des soubresauts. Exilé, victime de la croisade, Olivier de Termes se met au service des princes méridionaux : Jacques Ier roi d’Aragon, Raimond le Jeune, comte de Toulouse, et Raimond Trencavel vicomte de Carcassonne, une nouvelle génération animée d’esprit de reconquête. Olivier de Termes se distingue dans un grand nombre d’opérations militaires et notamment, il soulève les Corbières contre le roi et mène le siège de Carcassonne en 1240.

L’hérésie Cathare est éradiquée par le bûcher de Montségur en 1244 et les trois suzerains méridionaux font définitivement la paix avec le roi de France, Olivier lui-même se met au service de Louis IX dont il gagne la confiance en se distinguant au cours de la septième croisade. Olivier de Termes sera le grand artisan de la pacification du Languedoc en obtenant la reddition du château de Quéribus (1255) ; par sa proximité avec Jacques Ier d’Aragon, il jouera un rôle important dans le traité de Corbeil (1258) passé entre les deux rois et qui fixa pour quatre siècles la frontière entre l’Aragon et la France.

Et son incidence ici

Revenons en 1209. C’est le début de la Croisade Albigeoise et le vent ne souffle pas dans le sens des cathares !.

Après la chute de Béziers en Juillet et celle de Carcassonne en Août, Simon de Montfort a récupéré les vicomtés de Béziers, Carcassonne et Albi arrachés à Raimond-Roger Trencavel. Mais les vassaux de ce dernier ne l’entendent pas vraiment de cette oreille et il doit reconquérir chaque seigneurie par la force.

Il met au point une tactique redoutable qui consiste à utiliser une « pierrière » (sorte de catapulte) qui détruit le chemin couvert permettant aux assiégés de s’approvisionner en eau. En juillet 1210, Minerve capitule mais pas moins de 140 parfaits ayant refusé d’abjurer leur foi périront dans un gigantesque bûcher !

Tout content de sa trouvaille, et de l’effet induit (Montréal a cédé sans même combattre), Montfort entreprend de s’attaquer à Termes.

Simon de Montfort ne tarde pas à comprendre pourquoi le Château de Termes est réputé imprenable ! Quatre mois durant, les combats sont quotidiens, violents et enragés.

À l’automne, les soldats de Raymond de Termes sont épuisés et surtout à court d’eau, empêchés d’aller en chercher dans le torrent pourtant tout proche. La reddition semble inévitable. Alors même que Guy de Lévis se présente à la porte du château pour en prendre possession, une pluie “miraculeuse” se met à tomber en abondance remplissant toutes les citernes….

Aussitôt, Raymond III de Termes change d’avis et claque la porte au nez des croisés. Cependant, la nuit suivante, les croisés voient avec stupeur les assiégés sortir et leur abandonner le château : l’eau des citernes leur avait donné de la dysenterie…

Simon de Montfort, furieux et fatigué par ce siège à rallonge enverra au bûcher tous ceux qu’il pourra attraper.

Raymond de Termes a provisoirement la vie sauve, il mourra 3 ans plus tard dans un cachot de Carcassonne.

Nous sommes en Août 1210. Les biens du seigneur de Termes sont donnés à des familles de croisés. C’est probablement la famille Voisins qui prend possession de Lanet. Le tout jeune Olivier de Termes, fils de Raimond III devient faïdit. Nous le retrouverons bien des années plus tard, en 1247 notamment lorsqu’ayant pactisé avec Louis IX et guerroyé pour lui en Palestine, il se verra honoré ; ses biens, notamment Lanet lui sont restitués. Mais Olivier a pris goût à la guerre en Terre Sainte ; il vend tout et repart en Palestine où il mourra.

Croisade albigeoise - Contexte
Trencavel
Simon de Montfort
Termes, cilble de Montfort

Pas seulement des pierres

Architecture

Aussi surprenant que cela paraisse, chaque époque est parvenue à laisser une trace encore lisible dans le château de Lanet.

La très médiévale tour carrée est dotée d’une imposante porte à assommoir. Au fond de la cour intérieure, les siècles ont eu raison des créneaux du mur de défense, sans enlever à sa superbe. De la chapelle, déplacée il y a quatre cent ans vers l’emplacement actuel de l’église, plus de trace. Mais des espaces aménagés en écuries et réserves démontrent le rôle pratique assumé par le château en plus de la défense et de l’apparat…

Des murs ancrés sur le rocher et qui prennent des angles improbables pour composer un château en forme de fer à cheval dont la façade la plus hermétique, celle qui le dresse en protecteur de la vallée de l’Orbieu, est aussi celle qui séduit instantanément le visiteur.

Sur les autres façades alternent harmonieusement les archères, fenêtres à meneaux et ouvertures plus modernes (à partir du XVIIème siècle) lorsqu’on a pu laisser entrer la lumière sans risquer qu’elle s’accompagne d’un envahisseur ! 

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Vivre avec son siècle

Pour une éternelle jeunesse

Le château de Lanet est une propriété privée. Ses propriétaires ont à cœur de l’entretenir et le faire vivre dans son rôle de demeure, patrimoine, et emblème du village. Autrement dit, lui permettre de continuer sa traversée des siècles sans se voir dénaturé, transformé en objet purement mercantile.

C’est un défi. Assumé. C’est incontestablement une question de passion.

Une passion partagée avec les membres de l’Association des Amis du Château de Lanet qui se charge d’organiser au fil de l’année quelques visites, des animations et certaines actions groupées au service du château.

L'avenir

Chaque siècle laisse sa trace

Le château est en très bon état, notamment grâce à la restauration que lui a offerte Max Savy dans les années 70, ce qui ne l’empêche pas d’avoir des exigences d’entretien assez importantes du fait de sa taille et de son âge.

Les propriétaires, aidés de l’association des amis du château, œuvrent au quotidien pour maintenir vivant ce patrimoine.

Entretenir le bâtiment va du simple nettoyage à la réfection d’un carrelage ou de menuiseries, sans oublier les redoutables fuites…

En ce qui concerne le parc, qui se déroule de l’esplanade devant le château jusqu’à surplomber la route de Monjoi, entretenir pourra se limiter à l’élagage des cèdres et au débroussaillage … lorsque les murets de pierres sèches qui bordent le sentier qui serpente danse parc auront été restaurés, ce qui est un travail de longue haleine.

Outre l’entretien « normal » du bâtiment et du parc, des travaux assez importants de réhabilitation et mise en sécurité ont été effectués sur les bâtiments annexes.

Quant à l’accès au château, il a été réaménagé en gardant tout son cachet : la double volée de marches de pierre, démontées puis reposées une à une, a retrouvé avec l’horizontalité une certaine jeunesse. Au bout de quelques mois à peine, joints patinés et violettes réinstallées dans les interstices…il est comme avant, en plus facile à vivre.

Plus agréable aussi, le pavage de grès qui permet d’aller de l’escalier à la grille sans patauger dans la gadoue…et le châtelain qui l’a installé a eu l’heureuse idée d’y incruster une superbe croix occitane.

 
 
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